vendredi 29 avril 2011

LE CENTRE COMMERCIAL TENTE SA MUE A AUBERVILLIERS

lu sur le site du journal Le Monde le 29 avril 2011
Le centre commercial tente sa mue à Aubervilliers

Le centre commercial Le Millénaire, à Aubervilliers, le plus grand complexe sorti de terre depuis dix ans, dessiné par Antoine Grumbach.
Le Millénaire, qui ouvre le 27 avril, veut devenir un véritable lieu de vie pour renouveler un modèle qui s'essouffle


A deux jours de l'ouverture, prévue le 27 avril, du nouveau centre commercial Le Millénaire, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), au nord de Paris, la tension monte. Les commerçants mettent la dernière main aux décors, remplissent leurs vitrines et présentoirs et habillent les mannequins d'étalage. L'architecte Antoine Grumbach, Grand Prix de l'urbanisme en 1992, peste à propos d'un pilier dont le béton est encore nu, sans le parement prévu. Portable en main, Didier Ribierre, directeur du centre, s'occupe, lui, de régler les derniers détails de la grande fête d'inauguration.

Sur 56 000 m2, les clients trouveront six restaurants, une centaine de boutiques, dont vingt grands magasins et les chaînes phares telles Zara, H&M, Bershka ou même Kiabi qui, pour une fois, se rapproche d'un centre-ville. Et aussi de nouvelles enseignes.

Le projet, né en 1995, représente un investissement de 400 millions d'euros apportés par deux foncières, Icade, filiale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui a hérité de tous les terrains des Entrepôts et Magasins généraux de Paris (EMGP), et Klépierre, filiale de BNP Paribas, qui commercialise et exploite Le Millénaire. Ils comptent bien attirer un million de visiteurs par mois, dont 60 % viendraient de Paris, du 16e au 20e.

Le pari est audacieux dans ce quartier en plein chantier, juste de l'autre côté du périphérique. Là se côtoient encore des entrepôts vieillots et désordonnés où se déversent par tonnes les marchandises venues de Chine, et des immeubles modernes de bureaux, notamment le siège d'Icade. L'atout du site, unique en son genre dans la région, ce sont des canaux au bord desquels se déploieront des terrasses de restaurants et des guinguettes qui ajoutent au shopping l'attrait d'un lieu de détente, de rencontre, de loisirs.

" Jack Ralite, l'ancien maire - communiste - , m'avait demandé de faire non pas un centre commercial mais un quartier commercial ", se souvient M. Grumbach, qui a donc conçu de vraies rues pavées de granit gris, couvertes de verrières " que l'on pourra même démonter, dans l'avenir, pour retrouver un dessin classique de rues à ciel ouvert ", avec des places et des percées sur l'extérieur permettant d'admirer les canaux ou le quartier voisin.

Un tel équipement, imaginé il y a quinze ans, répond-il aux besoins du consommateur d'aujourd'hui, dont non seulement le pouvoir d'achat est rogné, mais qui ne prend plus volontiers sa voiture, boude les hypermarchés, plébiscite les commerces de proximité et achète sur Internet ?

Selon le Conseil national des centres commerciaux (CNCC), la fréquentation des 800 équipements français a en effet baissé de 7 % en moyenne entre 2007 et 2010.

La " boîte fermée "

" Les promoteurs ont bien conscience qu'il faut renouveler le concept de centre commercial hérité des années 1960, énergivore et accessible seulement en voiture, et tentent d'y intégrer plus de services, de loisirs, avec une indispensable desserte par les transports en commun ", souligne Philippe Moati, professeur d'économie à Paris-XII et directeur de recherches pour le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc).

Les promoteurs font donc souvent appel, comme pour Le Millénaire, à de grands architectes chargés de faire oublier le côté " boîte fermée ". " Mais il n'est pas facile de faire évoluer les habitudes des commerçants, qui préfèrent des boutiques aveugles, avec vitrine éclairée artificiellement et stocks en arrière-boutique, alors qu'il est possible de faire entrer la lumière du jour de tous côtés ", estime M. Grumbach.

L'offre commerciale, surtout, doit être renouvelée. " Nous avons attiré des enseignes nouvelles, pas ou peu présentes en France, et qui s'adressent à différentes clientèles, comme l'italien OVS, du groupe Coin, numéro un en Italie, qui propose un prêt-à-porter tendance et bon marché ; une boutique de jeunes créateurs de bijoux et vêtements à partir de matériaux recyclés ; ou encore une brasserie chic venue de Neuilly, Les Docks, qui côtoie un restaurant McDonald's ou Flunch ", se félicite Laurent Morel, président du directoire de Klépierre.

" Oui, je crois aux centres commerciaux urbains, dans des quartiers mixtes ", plaide Michel Pazoumian, directeur de Procos, qui fédère les enseignes de commerces spécialisées. Il met néanmoins en garde contre " l'inflation des mètres carrés commerciaux ". Et juge qu'" il y a aujourd'hui trop de projets, tandis que la consommation stagne ". Entre 2000 et 2010, rappelle-t-il, le parc commercial français s'est accru de 3,5 % quand la consommation ne progressait que de 2,5 %.

Isabelle Rey-Lefebvre
© Le Monde
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Plus de 900 complexes en France

Localisation Sur 915 centres (34 000 boutiques et 19 millions de m2), 25 % se trouvent en centres urbains, 75 % en périphérie.

Chiffre d'affaires. En 2010, il atteint 2,7 milliards d'euros, contre 2,8 milliards en 2009

Projets 66 créations et 56 rénovation et extension vont ajouter, à l'horizon 2015, 2,3 millions de m2.

Classement En Europe, avec 232,3 m2 , la France se situe derrière le Royaume-Uni (250, 7) et l'Espagne (251,6), mais devant l'Allemagne (150,7), et loin derrière la Norvège, championne avec 635,9 m2 pour 1 000 habitants.
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