mercredi 23 juin 2010

COMMERCES : LES ELUS VEULENT REPRENDRE LA MAIN

Lu sur le site du journal Le Monde le juin
http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/06/21/commerces-les-elus-veulent-reprendre-la-main_1376258_3232.html
Commerces : les élus veulent reprendre la main
LEMONDE | 21.06.10 | 14h33

Isabelle Rey-Lefebvre (Ecofrictions)

A Paris, les 16 et 17 juin, la cinquième édition du Salon de l'immobilier et des équipements commerciaux (SIEC) a rassemblé les principaux acteurs des centres commerciaux, de grands opérateurs comme Apsys, Icade, Altarea, Ségécé, filiale de Klépierre, ou Unibail-Rodamco. Cette année, les allées du salon ne bruissaient que des discussions à propos du nouveau projet de loi sur l'urbanisme commercial, dont la première lecture a été adoptée par l'Assemblée nationale jeudi 17 juin.

Il s'agit d'une initiative du député et président (UMP) de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, Patrick Ollier, qui souhaite mieux contrôler les implantations commerciales, notamment aux entrées de villes, où se succèdent ces hideuses "boîtes à vendre". L'objectif de cette loi est de donner le pouvoir aux élus de décider où s'implanteront les futurs magasins.

Le phénomène a été souvent dénoncé : cette "France moche", où l'on ne se rend qu'en voiture et qui a pour effet désastreux de vider les centres-villes de leurs commerces de proximité. Le nouveau texte parviendra-t-il à ses fins, même si de multiples lois antérieures - Royer, Raffarin - ont échoué ? La loi de modernisation de l'économie (LME) du 4 août 2008 n'a non seulement pas atteint ces buts mais plutôt accentué l'anarchie, notamment en exonérant de toute autorisation la création ou l'étendue de surfaces commerciales jusqu'à 1 000 mètres carrés - le seuil antérieur était de 300 mètres carrés seulement. Un an après sa mise en application, le bilan de la loi LME est "fort peu probant", selon M. Ollier.

En fait, en langage moins diplomatique, c'est désastreux. La note d'évaluation du secrétariat d'Etat au commerce et à l'artisanat du 14 mai constate que les commerçants existants se sont engouffrés dans cette brèche pour réaliser des extensions de surfaces à tour de bras. En 2009, 400 000 mètres carrés ont ainsi été créés, contre 270 000 l'année précédente ; le réseau des hypermarchés Leclerc a quadruplé ses agrandissements tandis que l'enseigne de bricolage Leroy Merlin en a profité pour accroître la surface de 80 de ses 100 magasins de 999 mètres carrés chacun ! En revanche, le nombre d'ouvertures de magasins est resté stable et la LME n'a pas stimulé la concurrence mais plutôt conforté les acteurs existants.

Le projet de loi Ollier en discussion suggère que les élus élaborent, de manière intercommunale, des documents d'aménagement commercial (DAC) délimitant les zones où implanter les commerces. Le DAC sera intégré au plan local d'uranisme (PLU) et au schéma de cohérence territoriale (SCOT). Pour créer un commerce, il n'y aura désormais besoin de solliciter qu'un permis de construire conforme à ces textes, comme pour tout bâtiment. La spécificité de l'urbanisme commercial disparaît donc, et avec elle les anciennes commissions départementales ou régionales d'équipement ou d'aménagement commercial (CDEC ou CRAC), où siégeaient élus, commerçants et personnes qualifiées.

Le pouvoir est remis entre les mains des seuls élus, et c'est bien ce qui inquiète les grands opérateurs commerciaux : "Les élus sont conseillés par des urbanistes qui ne connaissent rien au commerce et les études d'architecture ne comportent pas une heure de formation à notre activité", assène Eric Ranjard, président du Centre national des centres commerciaux (CNCC). "Le plan urbain d'un futur écoquartier de Toulouse, par exemple, prévoit des magasins disséminés, éloignés les uns des autres, alors que tous les professionnels savent que pour attirer la clientèle, il faut les regrouper", raconte Antoine Nougarède, directeur immobilier d'Icade.
Isabelle Rey-Lefebvre (Ecofrictions)
Article paru dans l'édition du 22.06.10

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