vendredi 30 octobre 2009

Les créations de la maison, jugées trop "bling bling", par certains correspondent moins à l'air du temps.

Lu dans le journal Le Monde du 29 ocotobre 2009
A la recherche d'un nouveau souffle, Versace supprime le quart de ses effectifs
LE MONDE | 29.10.09 | 15h23 • Mis à jour le 29.10.09 | 15h23



Après Burberry, qui pourrait supprimer 540 emplois, Prada, qui a annoncé, il y a une quinzaine de jours, des mesures de chômage partiel pour ses usines italiennes, Chanel, qui n'a pas renouvelé 200 contrats à durée déterminée, c'est au tour de Versace de tailler dans ses effectifs. Environ 350 postes seront supprimés sur les quelque 1 300 que compte à ce jour la maison de luxe italienne.

Le plan de restructuration de Versace prévoit la réorganisation de son réseau de distribution. Certaines boutiques pourraient être fermées ou tout du moins relocalisées et redimensionnées pour devenir rentables.

Les réductions d'effectifs ne devraient pas trop concerner le personnel en contact avec les clients ou les équipes de création afin de "ne pas affecter la qualité du service et du produit", assure-t-on dans la maison.

"Les conditions de marché sont difficiles à cause de la crise financière mondiale et le groupe s'attend à enregistrer une perte en 2009. Aucune entreprise ne peut permettre à une situation de ce type de perdurer, surtout si l'on considère les prévisions de stabilité (du marché) pour 2010", a indiqué le directeur général du groupe, Gian Giacomo Ferraris, qui est arrivé à la tête de l'entreprise en juillet.

Déjà, en 2008, le groupe a accusé une perte de 400 000 euros qui pourrait atteindre 30 millions d'euros en 2009. Le chiffre d'affaires de Versace, qui s'élevait à 336,3 millions d'euros en 2008, devrait tomber à 273 millions d'euros cette année, soit une chute de plus de 18 %.

Versace souffre, comme beaucoup d'autres marques de luxe, de l'atonie des ventes, qui est particulièrement marquée aux Etats-Unis. Les difficultés touchent notamment l'activité des grands magasins, où les ventes accusent une forte chute. "La baisse est beaucoup moins sensible dans les 86 boutiques en nom propre de la marque", assure un porte-parole de Versace. Le groupe a pâti toutefois de la fermeture de ses trois points de vente au Japon.

La maison a dû également faire face à la faillite du groupe Ittierre, qui détenait la licence de la marque Versace Jeans. Le groupe s'est vu ainsi privé d'une source importante de revenus. Il devrait néanmoins pouvoir à nouveau compter dessus en 2010, alors qu'il vient de confier à Swinger la gestion de cette licence.

En 2010, Versace s'attend à une stagnation de ses ventes et à une progression à un chiffre en 2011. L'entreprise table sur un retour à la rentabilité la même année.

Les difficultés de Versace ne constituent pas vraiment une surprise. La griffe ne s'est en effet pas complément remis de la mort brutale, en 1997, de son fondateur, Gianni Versace. En 2004, Giancarlo Di Risio avait été appelé à la tête du groupe pour le restructurer. Il était parvenu à redresser la barre, mais il a quitté la société il y a quelques mois. Il aurait tiré les conséquences de certains désaccords avec la famille Versace sur la marque du groupe. Celle-ci possède encore l'intégralité du capital de la maison. Toutefois, Donatella Versace, la soeur de M. Versace, qui a pris la direction de la création de la maison, ne détient qu'environ 20 % des actions, tandis que la fille de celle-ci, Allegra, l'héritière de Gianni, en possède la moitié.

"Depuis quelques années, Versace ressemble à un yacht à la dérive qui ne sait pas trop quel cap prendre", juge Mark Tungate, auteur de l'ouvrage Le Monde de la mode, stratégies (et dessous) des grandes marques, d'Armani à Zara, dont la version française vient de sortir aux éditions Dunod.

Les créations de la maison, jugées trop "bling bling", par certains correspondent moins à l'air du temps. "Versace symbolise le luxe ostentatoire, un peu flashy, qui n'épouse plus le goût actuel où le noir et le classique dominent", observe Mark Tungate. "La griffe ne peut pas s'appuyer sur un savoir faire ancestral comme d'autres maisons de luxe", note-t-il par ailleurs.

Pourtant la marque conserve des atouts. "Dans les marchés en forte croissance comme en Chine, les consommateurs restent attachés à des vêtements qui expriment leur réussite, leur statut social", note Mark Tungate. La griffe, qui a su nouer des rapports étroits avec le monde du "show-biz" où elle bénéficie d'une image très forte, doit désormais retrouver une âme.

Gian Giacomo Ferraris assure que "la réorganisation créera une plate-forme à partir de laquelle le groupe pourra croître fortement dans le futur". Celui qui arrive de la maison Jil Sander a dû gérer le départ précipité de la créatrice et a montré qu'il était capable de conduire un bateau qui avait perdu son capitaine.
Joël Morio
Article paru dans l'édition du 30.10.09

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire