dimanche 28 novembre 2010

IMMOBILIER : LES PRIX N'ONT JAMAIS ETE AUSSI HAUTS A PARIS

lu sur le site du journal Le Monde 26 novembre 2010
Immobilier : les prix n'ont jamais été aussi hauts à Paris

LEMONDE | 25.11.10 | 15h32



Les prix de l'immobilier à Paris et dans l'ensemble de l'Ile-de-France n'ont jamais été aussi hauts. Les notaires ont confirmé, jeudi 25 novembre, la spectaculaire reprise du marché de l'ancien dans la capitale, au cours du troisième trimestre 2010. Le nombre de ventes y a augmenté, en un an, de 16 % ; la hausse atteint 21 % pour l'Ile-de-France, approchant, avec 182 000 ventes, la moyenne de 185 000 observée entre 2000 et 2007.

Mais c'est l'augmentation des prix qui est la plus impressionnante. Record historique à Paris intra-muros, avec une hausse de 13,8 %, à plus de 7 000 euros le m², tandis que tous les quartiers ont franchi la barre symbolique des 5 000 euros le m² ! Sur le troisième trimestre, les appartements se sont appréciés de 5 % d'un coup. Le 6e arrondissement est le plus cher, à 10 640 euros le m², et le 4e arrondissement dépasse également 10 000 euros le m². L'inflation touche les quartiers chics comme les modestes : + 16 % autour de la Sorbonne mais + 18 % dans le 19e arrondissement, au Pont de Flandres.

"Le marché s'est nettement dégelé, et les secundo-accédants, c'est-à-dire les propriétaires qui ont un appartement à vendre pour en acheter un second, sont de retour", analyse Christian Lefebvre, président de la chambre des notaires d'Ile-de-France. Les jeunes couples fortement aidés par leurs familles et qui se contentent de petites surfaces trouvent un toit dans les quartiers excentrés, ce qui pousse les prix à la hausse.

Les couples pouvant cumuler deux bons salaires, autour de 8 000 euros, et suffisamment jeunes (moins de 40 ans) pour s'endetter sur une longue durée, jettent leur dévolu sur les appartements familiaux, mais sans luxe, des bons quartiers.

Les investisseurs à la recherche de petites surfaces sont toujours très actifs. Ainsi, tous les appartements, petits ou grands, luxueux ou pas, se renchérissent. Une telle hausse est-elle soutenable ? "Sûrement pas", juge Sébastien de Lafond, créateur du site Meilleursagents.com, "même si je prévois quasiment 20 % de hausse, à la fin 2010, il faudra ensuite s'attendre au dégonflement, j'espère lent, de cette bulle que je qualifierais de sécuritaire plutôt que spéculative. Seule une très grave crise monétaire mondiale, avec une brutale hausse des taux d'intérêt, pourrait conduire à un krach, mais ce n'est pas pour moi le scénario le plus probable".

L'incendie des prix se propage à la petite couronne, où ils grimpent d'en moyenne 10,8 %, dont 13,2 % dans les Hauts-de-Seine, 10,2 % en Seine-Saint-Denis et 9,2 % dans le Val-de-Marne. "La contagion chemine par les lignes de métro et de RER, dans les communes proches de Paris", note M. de Lafond. A Levallois, par exemple, le mètre carré atteint 6 670 euros, en hausse de 16,8 %, en un an. En Seine-Saint-Denis, même situation pour les communes limitrophes de Paris, comme Pantin (+ 12,8 %), Montreuil (+ 21,3 %). Dans le Val-de-Marne, les prix augmentent de 10,6 % à Vincennes et de 9,6 % à Saint-Maur.

Insolente santé

La grande couronne suit le mouvement avec moins d'ampleur, se contentant d'une hausse moyenne de 7,6 %, mais avec des pointes à 16 %, à Versailles, à 19 % à Maisons-Laffitte, les valeurs battant, là aussi, leurs records passés.

Sur le plan national, les notaires ont, courant novembre, révisé leurs prévisions à la hausse : "Tandis que nous pronostiquions, il y a quelques mois, 620 000 transactions dans l'ancien, nous devrions achever l'année avec 130 000 ventes de plus, soit 750 000 au total. L'Ile-de-France constituant, à elle seule, un quart du marché national, détaille Me Pierre Bazaille, chargé de la conjoncture immobilière, et le rythme annuel de hausse, en 2010, devrait s'établir entre 6,5 % et 7 %." Ce sont les grandes villes qui bénéficient de la nette reprise de l'activité et des prix, comme Lyon (+ 6,9 % en un an), Marseille (+ 6,2 %), Grenoble (+ 6,8 %), Bordeaux (+ 5,8 %) ou encore Lille (+ 7,6 %). D'autres villes et départements, particulièrement affectés par la crise, souffrent, comme Mulhouse, où les prix ont chuté de 12,4 %, Saint-Etienne, Besançon (- 3,2 %), la Meuse, l'Allier...

"Les prêts ont baissé de 2 points entre 2008 et 2010, permettant d'emprunter à moins de 3,5 % et de réaliser un gain théorique de 15 % de pouvoir d'achat, malheureusement absorbé par l'inflation immobilière", déplore M. de Lafond.

L'insolente santé du marché immobilier français inquiète donc plus qu'elle ne rassure. Elle accroît la fracture résidentielle entre les propriétaires et les autres, entre les jeunes cherchant à se loger et les seniors qui valorisent leur patrimoine, entre les personnes assurées d'un bon revenu et les précaires, entre les urbains et les ruraux. Les politiques du logement, nationales et locales, pourront-elles contrecarrer cette terrible machine à ségrégation sociale en créant une offre de logements abordables ?
Isabelle Rey-Lefebvre Article paru dans l'édition du 26.11.10

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