vendredi 9 avril 2010

LES GEANTS DE L'HABILLEMENT CONTRAINTS A L'EXPANSION

Lu sur le site du journal Le Monde le 9 avril 2010
Les géants de l'habillement contraints à l'expansion
LEMONDE | 08.04.10 | 14h16 • Mis à jour le 08.04.10 | 14h16


Et si la belle résistance à la crise des géants de l'habillement - Zara, H&M, Gap... - ne s'expliquait que par une multiplication quasiment gloutonne du nombre de leurs magasins ?

Le groupe espagnol Inditex, maison mère de la chaîne Zara, a annoncé mi-mars des profits 2009 de 1,31 milliard d'euros, en hausse de 5 % et supérieurs aux attentes malgré la crise. La progression de 7 % de son chiffre d'affaires à 11 milliards d'euros, qui en fait le leader mondial devant l'américain Gap et le suédois H&M, s'explique essentiellement par l'ouverture de 343 magasins (sur un total de 4 607), essentiellement dans les pays émergents (Chine, Russie...), mais aussi en Corée du Sud et en Pologne. Les ventes dans les boutiques ouvertes depuis plus d'un an sont, elles, restées stables.

Cette année encore, Zara veut poursuivre sa stratégie d'expansion et planifie l'ouverture de 365 à 425 magasins supplémentaires. Dès le mois de mai, le géant espagnol fera ainsi ses premiers pas en Inde.

Largement installé en Amérique du Nord, l'américain Gap - qui, toutes marques confondues, compte 3 100 magasins - a, lui, davantage souffert de la crise : son chiffre d'affaires 2009, clos fin janvier, a chuté de 3 %, à 14,20 milliards de dollars (10,7 milliards d'euros). Le groupe a cependant ralenti sa chute par rapport à l'exercice précédent, où il avait connu un recul historique de 12 % de son chiffre d'affaires. En ce début d'année, la reprise semble se confirmer et Gap a annoncé sa venue en Italie. Mais l'arrivée dans l'Hexagone de sa marque la plus haut de gamme, Banana Republic, ne semble toujours pas imminente.

La croissance du suédois H&M, dont les ventes et le bénéfice net ont respectivement bondi de 15 % et 7 % en 2009, s'explique aussi par l'inauguration de 250 magasins, ce qui a porté le réseau à 2 018 boutiques. Sans ces ouvertures, le chiffre d'affaires aurait reculé de 5 %. Chez H&M aussi, la reprise se confirme : sur la période allant de décembre 2009 à fin février, les ventes ont crû de 7 %, selon les chiffres publiés jeudi 8 avril. Et le bénéfice a fait un bond de 45 %, meilleur qu'attendu, à 368 millions d'euros.

En 2010, le suédois poursuivra tambour battant cette politique d'expansion : quelque 240 magasins doivent ouvrir aux Etats-Unis, en Chine et en Europe de l'Ouest. Notamment sur les Champs-Elysées à l'automne prochain, où est aussi attendu pour 2011 l'américain branché Abercrombie & Fitch, marque fétiche des adolescents.

Fast Retailing, la maison mère d'Uniqlo connu pour ses vêtements basics à prix abordables, a annoncé, jeudi 7 avril , une belle progression de ses résultats semestriels. De septembre 2009 à février 2010, le bénéfice net du groupe japonais a bondi de 55,7 %, à 442 millions d'euros. Et ses ventes ont grimpé de 31,8 %, à 3,77 milliards d'euros. Malgré la crise sévère de l'habillement sur l'Archipel, de loin le premier marché d'Uniqlo, ses ventes y ont augmenté de 21,6 %.

Le groupe nippon poursuit sa stratégie d'ouvertures de "navires amiraux" dans les grandes capitales. Après New York, Londres et Paris, Shanghaï sera inauguré le 15 mai. Fort de ce bon départ, le groupe a même relevé ses prévisions pour son exercice qui sera clos fin août. Il prévoit désormais un bénéfice net annuel en hausse de 42,6 %, et non plus de 35 %, et un chiffre d'affaires en hausse de 21,7 %. Signe que la mode peut encore être, malgré la crise, une vraie bonne affaire.

Dans l'Hexagone, où elles continuent d'embaucher comme partout dans le monde, les chaînes de vêtements ont aussi puisé leur croissance dans une politique soutenue d'ouvertures de magasins. "Les chaînes, qui représentaient 25,9 % des parts de marché de l'habillement en France en 2008 ont progressé pour atteindre 27 % en 2009", explique Evelyne Chaballier, directrice des études économiques de l'Institut français de la Mode (IFM). C'est un résultat plus qu'honorable dans un marché en régression de 3,4 % en 2009.

"Mais ces chaînes semblent de plus en plus coincées dans leur développement entre les spécialistes du bas de gamme comme Kiabi, qui a réalisé une belle année 2009, et les magasins qui s'adressent à une clientèle plus aisée - les Comptoirs des Cotonniers, Sandro, Maje ou Zadig & Voltaire, explique Mme Chaballier. Sans compter le développement très important des marques vendues à des prix dégriffées sur Internet." Dans les pays matures, ces nouvelles concurrences semblent très fortes. Au Royaume-Uni, elles viennent davantage d'enseignes à petits prix mais soucieuses de mode, comme Top-Shop, Primark ou Newlook.

Le caractère de plus en plus aiguisé de la concurrence en Europe explique donc la recherche frénétique des chaînes, notamment Zara et H&M dans les pays émergents. Avec des atouts non négligeables, comme leur puissance financière, qui leur permet de négocier au plus juste les emplacements immobiliers et aussi de tirer inexorablement vers le bas les prix de fabrication, vu les gigantesques volumes demandés aux fournisseurs.
Nicole Vulser

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