dimanche 28 mars 2010

FNAC : L'ADIEU A L'ECONOMIE SOCIALE

LU sur le site du journal Le Monde le 28 mars 2010, la critique du livre Vincent Chabault : La Fnac, entre commerce et culture. PUF "Le Monde", 214 pages, 25 €.
Fnac : l'adieu à l'"économie sociale"
LE MONDE | 26.03.10 | 16h09

C'est l'histoire d'une entreprise singulière. Celle d'un groupe militant, d'un "agitateur culturel" fondé en 1954 par deux militants d'extrême gauche qui deviendra peu à peu "une firme moderne, typique du capitalisme actuel". C'est l'histoire de la Fnac, ou Fédération nationale des achats des cadres, dont Vincent Chabault, jeune sociologue, retrace l'histoire depuis l'origine, "modèle commercial fondé sur l'alliance de la vente et la médiation culturelle". Une entreprise créée en parfaite adéquation avec l'époque des "trente glorieuses", alors que les Français sortent d'une économie de pénurie et s'ouvrent autant à la culture qu'à la consommation de masse.

Qu'est devenu cet héritage ? Vincent Chabault tente de le décrire en s'appuyant sur ce qu'est le coeur de l'entreprise : ses salariés. L'histoire de la Fnac devient alors celle d'Hassan El Hasni, de Manuel Gomez, de Judith Leconte ou encore de Michel Guillaume, qui incarnent les différentes générations recrutées par la Fnac. Avec elles, le lecteur découvre que les profils de salariés "qui ont des choses à dire" (prêtres ouvriers, militants politiques, scouts, autrefois tant recherchés par André Essel, le fondateur du groupe aux côtés de Max Théret) sont devenus des salariés issus des grandes écoles de commerce. Bref, en un peu plus de cinquante ans, la Fnac s'est transformée en une entreprise presque comme les autres.

"Agitateur culturel"

Quand la bascule s'est-elle faite ? Quand "la Fnac a-t-elle tourné le dos à son histoire ?". Vincent Chabault donne plusieurs explications. D'abord, bien sûr, les départs successifs des deux fondateurs et les multiples changements de propriétaires. En particulier le rachat de la Fnac par la Grande Mutuelle des fonctionnaires (GMF) en 1985. De là débute la mise en place d'une gestion plus rationalisée sous la direction de Michel Barouin. La Fnac n'est alors plus tout à fait ce qu'elle était et nombre de salariés font état de frustration. Mais c'est avec le nouveau directeur, Jean-Louis Pétriat, à compter de 1987, que les choses ont vraiment changé.

Son mandat, caractérisé notamment par l'ouverture en grande pompe à Paris de la Fnac Etoile, avenue des Ternes, sera taxé de mégalomanie. La Fnac passionnée devient la Fnac "survoltée". Et quand le slogan "agitateur culturel depuis 1954" est lancé, en 1991, le groupe semble avoir déjà perdu de son esprit d'antan. Inutile de rappeler qu'à la même époque est mise en place la campagne des "prix verts" où les publicités indiquent un peu brutalement : "Pourquoi vert ? Parce que le rouge a fait son temps." Tout un symbole. En 1994, le rachat par le groupe PPR, véritable acteur de la grande distribution, officialisera le divorce entre la Fnac et "l'économie sociale".

Dans cette étude détaillée, l'une des principales forces vient de la parole donnée aux employés, cadres ou vendeurs. Leurs parcours traduisent les évolutions progressives du groupe ainsi que la transformation du paysage social en France de 1950 à 2010. La Fnac semble ainsi avoir mis de côté son passé au profit d'une logique mercantile, nous explique Vincent Chabault. Mais pouvait-il en être autrement ?

Vincent Chabault : La Fnac, entre commerce et culture. PUF "Le Monde", 214 pages, 25 €.

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