vendredi 21 mai 2010

AU JAPON, LES 15-35 ANS NE CONTRIBUENT PLUS A LA CROISSANCE

Lu sur le site du journal Le Monde le 21 mai 2010
http://www.lemonde.fr/economie/article/2010/05/20/au-japon-les-15-35-ans-ne-contribuent-plus-a-la-croissance_1360441_3234.html
Au Japon, les 15-35 ans ne contribuent plus à la croissance
LEMONDE | 20.05.10 | 15h24 • Mis à jour le 20.05.10 | 15h24

Le PIB du Japon a enregistré une hausse de 4,9% au premier trimestre.

Tokyo

Les jeunes Japonais ont-ils beaucoup contribué à la hausse de 0,3 % de la consommation des ménages au premier trimestre 2010 ? Rien n'est moins sûr, même si le gouvernement ne semble guère s'en soucier.

De fait, avec des exportations en progrès de 6,9 %, la bonne tenue générale de cette consommation a favorisé la hausse du produit intérieur brut (PIB) de 1,2 % (4,9 % en glissement annuel) entre janvier et mars, et permis au Japon d'afficher quatre trimestres consécutifs de croissance. De quoi faire dire au ministre des finances nippon, Naoto Kan, que la tendance devrait se poursuivre grâce au rebond des investissements des entreprises et à la reprise au niveau mondial.

Ces statistiques ne sauraient occulter l'évolution de la consommation des jeunes vers la prudence et l'épargne. Les 15-35 ans, qui représentent 22,8 % de la population, ont vu leur contribution à la consommation passer de 18,6 % en 2000, à 15,5 % en 2009. En cause, la baisse régulière des salaires, la dégradation de l'emploi et sa précarisation, dont ils sont les premières victimes.

Le taux de chômage des 15-35 ans évolue autour de 7 %, contre 5 % pour l'ensemble de la population. Dans ces conditions, ils ne sont plus preneurs de ces appareils électroniques grand public ou de ces voitures, dont les ventes, soutenues par d'importantes mesures de relance, tirent les résultats des entreprises vers le haut et maintiennent l'économie japonaise à flot.

Eux ont toujours connu le Japon en crise et n'ont qu'un espoir limité. Ils suivent une tendance plus intime, qui donne lieu à une abondante littérature. L'analyste Taku Yamaoka résume ainsi ce phénomène dans son ouvrage Les jeunes qui ne veulent pas (ed. Nikkei) : "Ils adoptent un mode de vie tranquille et pacifique." Et l'auteur de noter leur désintérêt pour les produits de luxe. Une impression confirmée à la lecture du livre Les jeunes ne sont pas bons face au hasard (ed. Akishobo), de l'expert en communication Hidehiko Sekizawa, qui souligne leur aspiration à un quotidien stable et leur attachement aux habitudes, voire aux traditions.

Ces comportements se traduisent par un souci de faire des économies, de limiter les voyages, de se concentrer sur le cercle d'amis et de s'assurer un confort personnel peu onéreux. Cela explique le succès de la colocation et des marques de vêtements d'intérieur comme Gelatopique, ou d'enseignes comme le géant américain Forever 21, symbole de la "fast-fashion", des produits à bas prix pour une consommation à fréquence élevée.

Cette tendance n'exclut pas le désir de personnalisation, preuve que le souci de la mode n'a pas quitté l'Archipel. Mais au lieu d'accumuler les marques, les jeunes Japonais préfèrent faire les choses par eux-mêmes. "J'ai trouvé un tricot à rayures chez Uniqlo, explique une jeune femme. Puis je suis allée chez Yuzawaya pour acheter des brillants à fixer dessus."

Yuzawaya est une enseigne de mercerie et de bricolage créée en 1955, qui connaît un grand succès depuis l'ouverture, en 2009 et 2010, de trois points de vente dans les quartiers à la mode de Tokyo ; à Ginza, Shinjuku et Shibuya. Le groupe profite de "la tendance du "faire soi-même", explique Yoshio Funato, manager général chez Yuzawaya, qui caractérise cette période de crise".

Son succès est à rapprocher de celui des magasins de fast-fashion. "Ils produisent en grandes quantités des vêtements aux formes simples, ajoute M. Funato. Les acheteurs ne veulent pas être habillés comme les autres. Alors ils personnalisent."

La proximité des boutiques Yuzawaya avec celles de marques de vêtements bon marché, Uniqlo notamment, facilite l'expression de cette mode, qui commencerait à gagner des personnes plus âgées. Ces jeunes expriment également leur besoin de différenciation par un intérêt pour les produits uniques, qui les amène à fréquenter les salons artistiques, les musées et à s'intéresser aux réalisations artisanales. Là, ils s'autorisent des achats plus onéreux. Mais cela reste exceptionnel.
Philippe Mesmer
Article paru dans l'édition du 21.05.10

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