jeudi 27 mai 2010

LE PARCOURS SANS FAUTES DE ¨PICARD SURGELES AIGUISE L'APPETIT DES FONDS D'INVESTISSEMENT

Lu sur le site du journal Le Monde le 27 mai 2010
http://www.lemonde.fr/economie/article/2010/05/26/le-parcours-sans-fautes-de-picard-surgeles-aiguise-l-appetit-des-fonds-d-investissement_1363284_3234.html
Le parcours sans fautes de Picard Surgelés aiguise l'appétit des fonds d'investissement
LEMONDE | 26.05.10 | 15h37 • Mis à jour le 26.05.10 | 15h37


Picard Surgelés serait-il la "tirelire" des fonds d'investissement, comme le dénoncent les syndicats ? Depuis une dizaine d'années, le leader français de vente de produits surgelés n'a cessé de passer entre les mains de ces acteurs financiers.

Après avoir quitté le giron de Carrefour en 2001, Picard a été racheté par un consortium de fonds franco-britanniques mené par Candover, avant de devenir la propriété de BC Partners en 2004. Vendredi 21 mai, ce dernier a officialisé la mise en vente de l'entreprise à... de nouveaux fonds d'investissement. Seraient candidats le français PAI Partners et l'américain Blackstone, pour une valeur estimée autour de 1,5 milliard d'euros.

"La société arrivera-t-elle encore à nourrir ces goinfres ?" s'inquiète Elisabeth Jousselin, déléguée syndicale centrale de Force ouvrière. A chaque fois, le rachat de la société s'est fait via la méthode dite du LBO (leveraged buy-out). Une technique prisée par les fonds qui consiste à utiliser un fort recours à la dette pour financer le rachat de l'entreprise. En 2004, BC Partners a ainsi mis sur la table 1,3 milliard d'euros, dont 70 % étaient empruntés. Au final, ce n'est pas le fonds mais la société elle-même qui rembourse la dette grâce aux profits qu'elle génère.

Jusqu'ici, Picard a été suffisamment rentable pour supporter cette technique et permettre aux fonds d'investissement successifs de faire une culbute financière. A titre d'exemple, le consortium mené par Candover a réalisé, au moment de la revente, fin 2004, une plus-value de plus 300 millions d'euros pour 320 millions investis !

Picard est considéré comme une véritable pépite dans le secteur. Une success story à la française. Rachetée par Armand Decelle au début des années 1970, la société créée par Raymond Picard était initialement spécialisée dans la commercialisation de pains de glace. Mais très vite, M. Decelle réalise le potentiel que représente l'équipement des ménages en congélateurs. Il décide alors de proposer une gamme de produits, allant de l'entrée au dessert, adaptés à ce nouveau mode de conservation. Le "concept Picard" est né. En 1974, la première boutique est ouverte rue de Rome, à Paris.

Depuis, la croissance a toujours été au rendez-vous. Le groupe compte aujourd'hui 820 magasins en France et 30 en Italie, pour un chiffre d'affaires de 1,1 milliard d'euros, multiplié par deux en dix ans. En six ans, sa part de marché est passée de 13 % à 20 %.

Jusqu'ici, Picard a réalisé un parcours presque sans fautes. En 2009, le groupe a encore ouvert 48 magasins, recruté du personnel et maintenu un chiffre d'affaires stable. "Ce serait mentir de dire que la crise ne touche pas la société, mais Picard s'en sort bien et n'a jamais été dans le rouge", souligne Philippe Pauze, son PDG depuis avril 2009. Il affirme que ces résultats permettent d'assurer la distribution d'une partie des bénéfices aux salariés équivalente à deux mois de salaire.

Pour autant, l'appétit des fonds d'investissement semble user peu à peu les équipes. Certains salariés dénoncent la pression exercée par ces actionnaires financiers, soucieux d'améliorer à marche forcée les performances du groupe.

Si personne n'estime justifié que Picard ait figuré un temps dans la liste rouge des entreprises les plus stressantes, érigée en février par Xavier Darcos, le ministre du travail, la plupart notent toutefois que les choses changent. "On ouvre des magasins, on allonge les horaires d'ouverture, mais on ne recrute pas le personnel suffisant. Certains responsables de magasins se retrouvent parfois seuls dans la boutique ! indique Evelyne Figuier, déléguée centrale adjointe FO. On est en train de mettre l'entreprise en péril."

D'autres dénoncent une valse de dirigeants déstabilisante. "En trois ans, j'ai connu cinq responsables régionaux. La stratégie change tous les ans !", note ainsi Olivier Melhem, délégué CGT. En avril 2008, certains ont aussi été choqués par le départ "accéléré" du fils du fondateur, Xavier Decelle, évincé de ses fonctions de direction. Si la famille fondatrice est toujours propriétaire de 15 % à 17 % du groupe, son influence faiblit.

Aux yeux des fonds, Picard doit désormais s'atteler à l'expansion internationale. Après l'Italie, au succès mitigé, Picard pourrait lorgner vers les pays d'Europe du Nord, très friands de produits surgelés.
Claire Gatinois
Article paru dans l'édition du 27.05.10

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